> Mes interventions au Conseil Communal

Scinder BHV a sa logique. S'y opposer, aussi...

Paul Piret
Mis en ligne le 08/05/2008

La singularité de l'arrondissement, sa légitimité, sa portée symbolique, se heurtent à tout procédé va-t-en-guerre.
Bête querelle ? Peut-être, mais vrais enjeux. Marre de BHV ? Sans doute, mais en rester là ne résoudra rien. Tentons à nouveau de comprendre. Le maintien d'une entité à cheval sur deux régions linguistiques - l'une bilingue (Bruxelles) et l'autre unilingue (Flandre) - est objectivement une anomalie dans notre paysage institutionnel. Quant à savoir pourquoi (1), s'il faut en sortir (2) et comment (3)...

  1. Quelle histoire !
    Bruxelles-Hal-Vilvorde couvre les 19 communes bruxelloises et 35 communes du Brabant flamand, en un même arrondissement électoral et judiciaire. Son histoire se mêle à celle de la frontière linguistique, qui ne commence pas avec sa fixation en 1963. Auparavant, elle fluctuait : une commune pouvait changer de régime linguistique si la majorité de ses habitants le souhaitait; on prévoyait un "bilinguisme externe" (ancêtre des "facilités") à partir de 30 pc. La Flandre ne supporta plus la "tache d'huile" francophone : marches sur Bruxelles, suppression du volet linguistique du recensement, imposition de frontière. Sauf des facilités dans 6 communes de la périphérie; sauf BHV garantissant aux francophones de Hal-Vilvorde un appareil judiciaire bilingue et la possibilité de voter pour des francophones bruxellois aux élections législatives et européennes. Autant d'entorses à l'homogénéité linguistique pour maintenir des ponts entre la capitale et la forte minorité francophone de sa banlieue.
    Cette singularité ne cessera d'être contestée. D'autant que deux réformes vont en appuyer le caractère exceptionnel. La scission du Brabant d'abord, en 1995. Le redécoupage électoral pour la Chambre ensuite, en 2002 : Guy Verhofstadt, pour entamer des positions CD & V, calquait les circonscriptions sur les provinces. Sauf BHV. L'arc-en-ciel crut faire avaler la pilule en permettant des listes néerlandophones communes à BHV et Louvain. L'ajout fut cassé par la Cour d'arbitrage. Dans son arrêt du 26 mai 2003, elle enjoignait aussi, non pas forcément de scinder BHV (comme on le prétendit en Flandre), mais de réexaminer la situation du Brabant flamand. Passons sur les motions flamandes, les non-organisations d'élections par des bourgmestres (impunis, eux), l'échec de Verhofstadt II; la plus longue crise aidant, les temps étaient mûrs pour que les députés flamands, le 7 novembre en commission, votent la scission.
  2. Quels enjeux ?
    Les francophones ne pourraient plus voter pour des candidats politiques bruxellois. C'est tout ? A priori, oui. Ils pourraient voter pour des francophones du Brabant flamand; une scission sans apparentement (mais les propositions flamandes le prévoient, bien sûr, quoique critiqué par le Conseil d'Etat) risquerait même de priver les néerlandophones de tout député à Bruxelles; on ne menace pas en théorie les facilités.
    L'enjeu de la scission dépasse pourtant son objet propre. 1° Dans la pratique : elle grossirait un ensemble de tracas en ordre croissant dans la périphérie (facilités écornées par les circulaires Peeters, convention-cadre des minorités en rade, "wooncode", non-nomination de bourgmestres, écoles francophones, terrains réservés aux néerlandophones, etc.) et en nourrirait d'autres (scission judiciaire d'abord) dans le souci constant de "flamandiser" les alentours de Bruxelles. 2° Dans sa force symbolique : tabou contre tabou, c'est droit territorial contre droit des personnes; c'est resserrement intraflamand contre lien intrabelge. 3° Dans sa prospective : le pays viendrait-il à éclater, à quelque terme, le droit international reconnaît généralement à une nouvelle entité le territoire qu'elle possédait auparavant - sans quelque maintien de BHV, les frontières étatiques n'en coïncideraient que mieux avec la frontière linguistique, Bruxelles davantage "enclavé" en Flandre.
  3. Quelles solutions ?
    On comprend mieux les volontés soit de nette scission, soit de refus pur et simple. Mais l'une paraît aussi improbable que l'autre. Des possibilités médianes existent d'ailleurs pour s'en sortir. Il n'est qu'à se souvenir que le pacte d'Egmont en 1977 et un avant-projet violet en 2005 ont tous deux scindé BHV, mais moyennant nuances et compensations (droit d'inscription pour l'un, scission partielle et variable pour l'autre); et que l'accord arc-en-ciel de 2002 régla autrement la situation (la Cour d'arbitrage l'annula sur base d'un article constitutionnel 63 révisable). Redécoupage électoral voire territorial, groupements électoraux, extraterritorialité électorale sont autant de pistes, surtout si d'autres objets communautaires se joignent dans de mêmes négociations.
    C'est en tout cas la voie classique. Mais est-on encore dans une situation classique ?

 


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