De Wever veliest eerste ronde - De Wever perd la première manche
Personne n'en doutait: Bart De Wever et Elio Di Rupo auraient dû rapidement constituer un gouvernement après leurs victoires électorales. Mais la science de la négociation est une branche à part, où prévalent des règles d'airains. Et l'expert Leo Goovaerts a vu De Wever faire trop d'erreur pour penser qu'il parviendra aujourd'hui (8 juillet) à présenter un accord au Roi.
Le PS est depuis le début maître du jeu. Pendant que Bart De Wever, le soir des élections, fit savoir qu'il voulait forger une coalition flamande avant de monter dans l'arène avec les francophones, Di Rupo & Co ont forcé la prise en considération de leur agenda. De Wever fut subtilement mis sous pression, aussi vite qu'il avait revêtu les habits tricolores d'informateur. C'était le signal qu'attendaient les francophones, expliquait-on. L'acceptation de la mission d'information était pour les francophones la preuve que De Wever & Co voulaient du bien à ce royaume, et qu'ils ne poursuivaient pas d'agenda séparatiste caché.
Une Erreur Capitale.
De Wever s'est laissé prendre dans l'engrenage du système belge. "Ce fut une première erreur capitale que d'accepter la mission d'informateur sans garantie", dit Leo Goovaerts - ex sénateur libéral officiant à la Haute Ecole Vlerick dans un cours sur les techniques de négociation. Au lieu d'agir en coulisse afin d'organiser une coalition entre flamands et francophones, De Wever avait donc choisi d'être informateur."Il sentait bien qu'il devait fonctionner out of the box. Et donc il pensait endosser le rôle de formateur à la Hollandaise, il pensait parvenir à organiser tout le bazar", analyse Leo Goovaerts.
Mais De Wever ne pouvait qu'échouer. C'était une illusion de penser qu'il parviendrait à un accord gouvernemental avec Di Rupo dans la tradition du modèle belge de compromis, accord qu'il aurait obtenu parallèlement à sa mission d'informateur. "Je donne quelque chose et tu donnes quelque chose, ensuite nous discutons si ce que je donne a suffisamment de valeur pour toi et inversément". Enfin, nous concluons et nous passons au point suivant jusqu'à ce que nous bloquions. Enfin, nous organisons un marathon de négociation jusqu'aux petites heures en ce compris toutes les ficelles de la négociation, jusqu'à ce que l'un d'entre nous cède et boum nous avons une solution. Ca, c'est le modèle de compromis à la belge", explique Goovaerts.
Théorie des jeux.
Mais cela ne fonctionnera pas comme ça. Di Rupo ne fera pas de concession pour le moment. "Nous observons ici un exemple de mise en pratique de la théorie des jeux: des négociations dont les résultats sont dépendants de décisions qui échappent encore à un ou plusieurs joueurs qui chacun individuellement poursuivent des intérêts propres. La collaboration ou l'entente sont exclus. Ca ne peut pas fonctionner", dit Goovaerts. Cela découle du principe du dilemne du prisonnier (voir plus bas), une illustration éclairante de la théorie des jeux.
Di Rupo n'a aucune raison de faire des concessions pour le moment, sans même parler de laisser à Bart De Wever la possibilité de prendre des décisions. De Wever a déjà donné gratuitement tout ce qui intéressait Di Rupo, en ce compris ce qui aurait dû faire partie du jeu du donnant-donnant. Dès le soir des élections, De Wever a confié la fonction de premier ministre à Di Rupo sans concession. Pour cette concession, le négociateur expérimenté qu'est Di Rupo ne voudra pas payer un cent de plus. Et juste après les élections, De Wever a aussi fait comprendre qu'il ne toucherait pas à la sécurité sociale. Ce faisant, il a aussi lâché sa carte de négociation la plus importante.
Un prix élevé.
Le résultat en est que De Wever ne pourra rendre aujourd'hui qu'un rapport on ne peut plus classique d'informateur au Roi, après quoi Di Rupo pourra démarrer les véritables négociations dans son habit de formateur. De Wever ne pourra que se glisser comme les autres à la table des négociations, sans qu'il ait droit à une voix décisive au chapitre. Ca, c'est le prix élevé que De Wever doit payer, puisqu'il s'est laissé séduire par l'envie de jouer l'homme d'état. "Il est tombé dans le piège les yeux grand ouverts. De façon presque sarcastique, on lui offrira une plume pour son comportement compréhensif et souple", remarque Goovaerts.
Tout n'est cependant pas perdu pour De Wever. "Mais il doit faire comme Di Rupo l'a fait en son temps lorsqu'il a joué le rôle d'informateur lors de la formation du gouvernement Verhofstadt. Verhofstadt reçut alors un programme qu'il devait signer, si du moins il voulait obtenir la charge de premier ministre", dit Goovaerts. De Wever devra se positionner comme formateur de-facto, et il devra mettre son propre programme sur la table, programme que les participants utiliseront alors comme base de négociation. Et si un accord n'est pas possible sur ce programme, alors De Wever devra retirer la prise. Sinon, il sera dégradé de sa position de chef de la coalition flamande à une position d'allié temporaire du PS. Il court alors le danger de se faire "avoir" par Di Rupo.
Le Dilemne du prisonnier.
Un crime sérieux a été commis. Deux hommes armés sont arrêtés et il semble bien que ç'en soit les malfaiteurs. Mais la preuve fait défaut. Ils sont alors placés dans deux cellules différentes et ne peuvent pas communiquer l'un avec l'autre. Le juge fait la proposition suivante à chacun des suspects:
1. Si vous continuez tout deux à vous taire, je ne peux pas vous condamner durement (la preuve me manque). Tout au plus recevrez vous une condamnation pour port d'arme illicite.
2. Si l'un d'entre vous avoue, alors l'affaire est réglée. Celui qui avoue, je le libère, car il a bien coopéré. L'autre en prend pour 10 ans au minimum.
3. Si vous avouez tout les deux, vous recevez chacun 5 ans.
La question est: quel est le choix optimal que peut faire chacun des prisonniers. L'essence de ce dilemne est qu'il est mieux pour les deux suspects de se taire conjointement. Mais chaque suspect évalue la situation en fonction de ses intérêts propres. La conséquence en est que chaque suspect avouera, et qu'ils en prendront tout les deux pour 5 ans...
Traduction libre du néerlandais. Met dank aan journalist Wim Van De Velden van De Tijd.