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Tirons les enseignements de l'échec Dexia.

A ce titre, l’échec bancaire Dexia mérite qu’on s’y arrête pour en tirer les enseignements rapidement.

La galaxie Dexia. La racine du mal est incontestablement un modèle économique bancal au départ: à l’aide des dépôts des épargnants belges, la banque franco-belge avait pour vocation le financement des entités publiques locales de Belgique d’une part, mais de France surtout d’autre part (« surtout », car simplement beaucoup plus nombreuses).

L’on sait que les entités publiques locales empruntent en général sur le très long terme (30 ans) pour investir dans des écoles, dans des bâtiments publics etc. Quand elles empruntent, elles le font à des taux d’intérêts très bas car elles ne peuvent pas légalement tomber en faillite. Il s’agit donc d’un prêt relativement sûr. Mais  un revirement de la situation économique peut avoir des effets dévastateurs du côté du passif de la banque, c’est-à-dire sur son coût de financement: la base des dépôts des épargnants belges ne couvrant pas la totalité des besoins de la banque, la banque doit se tourner vers les marchés. Ces marchés augmentent en période de récession les taux d’intérêts auxquels ils sont d’accord de prêter à une banque (car l’inquiétude grandit, et l’inquiétude a un coût). La banque commence à faire des pertes, puisque les taux auxquels elle emprunte sont plus chers que ceux auxquels elle prête. Il s’ensuit que  les épargnants s’inquiètent et certains quittent la banque. Le cercle vicieux s’enclenche : la banque doit emprunter pour couvrir le « trou » causé par le départ des dépôts et la machine s’emballe. Cercle vicieux qui s’aggrave quand la Banque commet en outre d’autres erreurs (la vente d’instruments incompréhensibles aux communes – voir à ce sujet l’article de Libération –, des investissements hasardeux dans des institutions de crédits américaines, des prêts démesurés à la Grèce etc.)

Mais au-delà de la faute originelle stratégique et des erreurs de management, c’est surtout le Conseil d’Administration de Dexia (la S.A. Dexia) qui n’a pas eu la force de contrôler son comité de direction (= le management). La raison de ce manque de force est double : le conseil d’administration était pléthorique (18 membres) et doté d’individus doués de qualités incontestables, certes, mais peu de celles que nécessitent la compréhension d’une banque et, à fortiori, le contrôle de son management.

Afin d’utiliser les meilleures pratiques, on peut se référer à l’institut belge de la bonne gouvernance (Guberna) qui recommande un nombre d’administrateurs maximum de 12 administrateurs avec une moyenne fluctuant entre 7 et 10 personnes.

Avec 18 collègues autour d’une table, comment peut-on imaginer que chaque administrateur se sente revêtu d’une responsabilité à la mesure des défis de l’institution bancaire? En termes de gouvernance, cela s’appelle la dilution de la responsabilité. Elle conduit le conseil d’administration à une passivité effroyable, chacun estimant son propre impact comme insignifiant, chacun convaincu que les décisions sont au final prises dans des cénacles situés à d’autres niveaux (Rue de la Loi ou à l’Elysée…).

Cette maladie est très commune dans nos institutions publiques. On la retrouve dans des institutions publiques et intercommunales de toutes natures (Les Tec : 85 administrateurs, Vivaqua : 25 administrateurs, Hôpital Brugmann : 22 administrateurs, Tectéo : 34, Sibelga : plus de trente…). L’attribution d’un poste d’administrateur relève aujourd’hui plus de la récompense pour services rendus que de l’investiture d’une mission importante.

Le 20 septembre, soit 15 jours avant la restructuration financière de Dexia du 4 octobre, le CEO de Dexia Mr Mariani donnait une conférence sur la gouvernance d’entreprise de Dexia à l’invitation de Guberna. J’y avais publiquement posé la question de ce nombre d’administrateurs trop important. Mr Mariani m’avait répondu que ce nombre était dû à l’actionnariat composé de Français d’une part et de Belges d’autre part. En outre, les Belges devaient être représentés par des Flamands et par des Francophones. Je veux bien, mais cela expliquerait pourquoi il y aurait 8 représentants (4-2-2, par exemple). Pas 18.

Mais alors, pourquoi ce simulacre du conseil d’administration ?

Pourtant, la solution est simple. Avec 8 ou 10 administrateurs dans de telles sociétés, les actionnaires (l’Etat, les communes…) choisiront précautionneusement leurs représentants. Les actionnaires disposeront aussi d’un motif fort par rapport à des individus recherchant l’aura appartenant à la fonction d’administrateur : vu le petit nombre de « postes » d’administrateur, il s’agira de les confier à des personnalités très qualifiées, compétentes. En outre, avec un tel petit nombre, chacun se sentira investi d’une importante responsabilité. Et les responsables pourront être clairement identifiés. On ne se livrera plus à une ridicule partie de ping-pong telle celle observée aujourd’hui : ni responsables ni coupables mais pourtant en charge : l’état, les communes, les régions, les administrateurs de la Holding Communale, de la Holding Dexia (Dexia S.A.), de la Banque Dexia, les différents comités de direction, les autorités de régulation et de contrôle etc.

 

 Yvan de Beauffort

Assistant en Finances à la Solvay Business School, ULB.
Conseiller communal MR à Schaerbeek.


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