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Le port du voile: je suis pour son interdiction à l'école.Voici pourquoi.

  •  Les musulmans belges ne sont nullement partisans de la burqua afghane ou du niqab saoudien, voiles intégraux qui ne laissent même pas apparaître le visage. Insinuer qu’on passera bientôt du foulard à la burqa leur paraît donc totalement erroné et est reçu comme un argument occidental malhonnête pour diaboliser le voile, et au-delà pour stigmatiser l’islam. Ca tombe bien, la vaste majorité est d'accord. Le problème de la burqa et celui du foulard sont totalement différents. Le Président français a proposé de légiférer sur l’interdiction de ces tenues. Très bien. Mais contrairement à l’engouement de la population qui se rallie à cette idée, j’y vois l’arbre qui cache la forêt : la problématique ne sera pas « vidée » en interdisant la burqua ou le niqab.
  • Le voile est un signe religieux. Mais il véhicule aussi une conception bien précise de la femme. L’homme raisonnable identifie l’incompatibilité claire entre l’égalité homme-femme préconisée par notre société et la conception véhiculée par le port du voile, qui ne fait pas de la Femme l’égale de l’Homme.
  • Il faut reconnaître les pressions de plus en plus fortes sur les élèves non voilées. A Schaerbeek, l’Echevin de l’enseignement Verzin confirme cette pression dans nos écoles. Très vite, déjà, on remet en cause certains cours, excursions, réunions de parents mixtes… La démocratie a besoin d’un coup de pouce. Insensiblement, notre paysage change. Assisterions-nous à une escalade? La voie des accommodements raisonnables n’est pas raisonnable. C’est au démocrate de baliser.
  • Le foulard islamique est clairement devenu un instrument de prosélytisme et est instrumentalisé par certains imams et les milieux conservateurs. Nier cette réalité, c’est jouer à l’autruche.
  • Il est souvent fait référence à l’argument poujadiste « ils ont le sang chaud ». Ca me rend mal à l’aise d’imposer le voile aux femmes parce que les hommes ont le sang chaud. Les hommes ont « le sang chaud », évidement. C'est contraindre X pour atténuer les comportements inappropriés de Y. Tous les hommes ont le sang chaud. Dieu merci. Les femmes aussi, soit dit en passant. Et quoi, c’est le voile qui nous affranchirait de notre condition animale ? c’est l’objet de la tentation – la femme – qui doit subir les contraintes d’un homme qui oublie les préceptes de la vie en société ? allô ?
  • Mes amis musulmans me disent qu’"ôter le voile des femmes, c’est comme leur arracher un membre". D’accord avec cette affirmation, quand la religion est assumée au travers d’un parcours réfléchi, adulte. Mais pas d’accord du tout quand la femme a 6 ans, 11 ans, 16 ans.
  • Il faut laisser aux gens et surtout aux femmes leur liberté, leur droit à l’expression. On ne construirait pas une société émancipatrice, tolérante et attentive aux droits humains si on interdit aux femmes de prendre leur destin en main et si on s’obstine à vouloir décider pour elles. Une seconde: je ne décide rien pour la femme, mais je veux que l’enfant ne se voit pas imposé des choix aussi drastiques.
  • Selon l’article 24 de notre constitution, la neutralité implique le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves. La neutralité ne se réalise pas par des interdits, mais par la diversité des convictions et le respect des individus. Peut-on libérer les gens malgré eux et, de plus, en leur retirant un droit ? Fait-on reculer la religiosité des gens en leur interdisant de manifester leur culte ? Cela n’est pas le débat. Je ne veux faire reculer la religiosité de personne. Mais la société dans laquelle je vis a inscrit dans sa constitution l’égalité et la liberté de chacun. Un enfant (c’est-à-dire un non-adulte) qui porte le voile, n’est pas libre de le porter. C’est une imposition qui réduit considérablement le champ des libertés à terme.
  • L’interdiction du voile renforce le sentiment dans la communauté musulmane d’être agressée par une société jugée trop permissive. "Et on voilera plus fermement, avec le sentiment de protéger en bon père de famille et d’imposer une société meilleure." Nous y re-voilà : il s’agit bien d’imposition à un enfant. Il s’agit bien de l'imposition d’une société meilleure. Et moi, je crois que la société dans laquelle je vis n’est pas une mauvaise société.
  • Un certain nombre de musulmanes qui ne portent pas le foulard considère que c’est une question de choix personnel dont l’Etat n’a pas à se mêler. D’accord. A l’âge adulte.
  • Le voile est-il une obligation coranique ? Il y a discussion sur ce sujet évidement : le Coran doit se lire avec la paire de lunette de rigueur pour tout texte sacré. L’interprétation littérale est anachronique. Ceci dit, la Sourate 33 en son verset 59 y fait clairement référence. Est-ce à nous de dire ce que la musulmane doit croire et ne pas croire ? Mais la connotation d’une sexualité adulte est tout de même clairement identifiable dans la Sourate. Je pèse mes mots. On parle bien d’un comportement adulte. Et en texte de loi, cela se traduit par « la majorité ». On peut porter le débat sur l’âge précis. 16 ans ? 17 ans ? 18 ans ? Mais on ne pourrait en vouloir au législateur si par souci de simplicité, il imposait l’interdiction du port du voile jusqu’à la sortie de l’école.
  • L’interdiction du voile à l’école est perçu par la plupart comme un acte islamophobe qui vise à extirper toute référence religieuse, une "légalisation de la discrimination" qui "va accélérer la ségrégation dans notre société" et la création d’écoles musulmanes : "La volonté au sein de la communauté grandit fortement en raison de cette interdiction."Oui, on risque de promouvoir la création d’écoles musulmanes. Moi, je n’ai rien contre : à partir du moment où l’enseignement musulman garantit l’apprentissage des connaissances telles que celles imposées aux autres réseaux, tout est bien. Mais dans ces écoles musulmanes, le voile ne sera pas porté.  
  • Peut-on défendre la liberté de s’habiller comme on l’entend?  Si on chasse les musulmanes pour raisons vestimentaires, les fondamentalistes auront gagné le combat! Non, car l’interdiction prévaudra dans toutes les écoles
  • La société interculturelle pose la question de comment créer un "vivre ensemble" à travers les diversités Dans ce cadre, le rôle de l’école, c’est d’essayer de préparer les jeunes à la société de demain. Ce n’est pas en imposant une uniformité à l’école qu’ils ne seront plus confrontés à la diversité en dehors de l’école. Non, mais nos enfants seront armés pour assumer leurs choix.
  • En outre, obliger des fillettes à mettre le voile avant même leur puberté ne fait pas partie de la tradition musulmane et ne devrait donc pas être accepté.
  • Obliger les jeunes musulmanes à enlever leur foulard à l’entrée de l’école pour le remettre en sortant, est-ce ainsi qu’on pense éduquer les jeunes à accepter les différences ? Si tel est le cas, alors le problème est gravissime. Et cela me renforce dans l’évidente conviction que l’enfant n’a pas à porter le voile

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