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Lettre à mon Oncle

Il y a 12 mois, l'indifférence était inquiétante. Tu te souviendras, cher Axel, qu'iI y a 8 mois, lors de la campagne électorale, susciter l'intérêt politique était une gageure (et on peut le comprendre). Aujourd'hui, chacun s'inquiète. Bien sûr, une lassitude s'installe. Bien sûr, les politiciens que nous avons choisis manquent d'ambition, de stature, de projet. Mais il faut aussi noter que, de plus en plus, des flamands s'émeuvent de voir leur élite politique s'enferrer dans des considérations romantiques.
 
J'aimerais te dire, Axel, que les choses sont simples. Chacun sait qu'elles ne le sont pas. En outre, la raison ne suffit plus. Quand j'ai décidé, il y a 20 ans, de rentrer à l'internat flamand en poésie pour apprendre la première langue du pays, mes grands-parents m'ont répondu qu'il ne servait à rien d'apprendre cette langue (à dire vrai, leur commentaire était encore plus blessant). Pourtant, chaque mercredi, ils sont venus à Alost m'apporter des bonbons... Et voilà que ressurgissent 1914, 1932, 1940, 1960... 1302...Essayons un instant de faire abstraction de l'émotionnel... loin de ce que les médias prétendent, les revendications francophones sont limpides et... conciliables avec la volonté flamande :

 

1) Un élargissement de Bruxelles. Le concept est chargé. Mais avant de se cabrer, il faut savoir que plusieurs pistes ont déjà été éclairées par des représentants du nord comme du sud. Elles vont de la communauté urbaine - idée avancer par le nord - à un grand Brabant (idée géniale et historiquement fondée) avancé par le sud. La différence est, tu en conviendras, ténue dans les faits. En outre, si le sud ne met pas ses idées sur la table de peur de heurter, ces idées ne seront jamais discutées.

2) Un statut régional véritable pour Bruxelles. Pas une Région-moignon. Pas un machin ingérable co-géré par deux entités communautaires aux intérêts conflictuels. Non, une Région responsable. Devant ses électeurs. Devant son budget. Devant ses problèmes et ses chances aussi: immigration, chômage, interculturalité, capitale de l'Europe, une abondance de jeunes, des centres de décision... Voilà un langage qui doit plaire au Nord!

3) Un refinancement de Bruxelles, qui assume des responsabilités fantastiques aussi bien comme capitale de l'Europe que comme vecteur de croissance pour la Flandre et pour la Wallonie. Bruxelles: Combien de navetteurs et d'employés déjà ? Dans mon métier à la SNCB (rien n'y est parfait, je te le vends), des millions d'EUR sont investis dans la mobilité de ces navetteurs en provenance du nord qui viennent gagner leur vie à Bruxelles. Demander aux Régions d'investir à Bruxelles est légitime me semble-t-il. Bruxelles, qui comme chacun sait, est la capitale de la Flandre. Et quoi? quelle région souhaite se désintéresser de sa capitale?

4) Une solidarité interrégionale bien pensée : au Nord, on se pose la question des pensions. Au sud, ce sont les infrastructures qui font défaut. Au centre, c'est la politique en matière d'immigration et de mise à l'emploi qui prime. Le deal saute aux yeux. Encore un espace où les différentes idées peuvent se rencontrer.

5) Une région flamande appaisée. Incontestablement, l'ouverture vers la mer et un tissus entrepreneurial efficaces ont bien servi le développement d'une Région qui avait faim de reconnaissance. Bravo ! ses meilleurs clients, Bruxelles et la Wallonie, ont (encore) besoin que l'on y investisse, pour la meilleure réussite de la Flandre. Les propositions sur la table en matière de responsabilisation des régions forment la plus grande réforme de l'Etat jamais entreprise. Chacun doit en prendre conscience.

6) Il reste un chantier massif. Celui d'une Wallonie plus conquérante. Plus volontaire. Plus responsable. Les success stories en matière entrepreneuriale engrangées ces derniers mois font dire à de nombreux observateurs que la Wallonie d'aujourd'hui ressemble à la Flandre d'il y a 30 ans. Trop tard? peut-être. Mais je crois, Axel, que personne au Sud du pays n'est heureux de la situation. Le tremblement de terre institutionnel va générer, je le crois, une prise de conscience salutaire. Une belle raison de rester optimiste!

Et avec tout cela, on peut réussir un pays.

Yvan


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