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Penser autrement

On peut prétendre que le modèle belge actuel ne fonctionne pas. Une raison en est que les partis politiques sont devenus régionaux et que la presse a suivi sans mise en place de structures politiques de rassemblement. Les partis ont fait une surenchère de revendications en vase clos sans en calculer les conséquences et tester la faisabilité. Il en résulte des opinions publiques communautaires différentes, avec poids droite / gauche différencié et des partis politiques qui s’opposent sur tout et, en particulier, sur le degré de solidarité nationale nécessaire.

Cette différentiation n’a pas de base historique ou sociologique réelle et n’est la suite que d’une évolution (sournoise ?) progressive. On constate que :

-     L’histoire et le son contexte socioéconomique « ancien » de nos provinces sont communs pour l’essentiel sous autorité éloignée/étrangère favorisant les solidarités dans nos régions.

 

-     L’histoire « moderne » est marquée par un déséquilibre économique, social et culturel suite à une mainmise en défaveur d’une des communautés. Celle ci ne ressent pas de forte identification avec un modèle dont elle a été plutôt écartée.

 

-     Pendant cette même période et encore maintenant, il y a eu un trop grand manque de respect par une grande partie de la population pour les langues nationales et le « système » n’a pas mis en place d’incitants à un réel bilinguisme généralisé. Toutefois, un bilinguisme administratif devient vite déséquilibré par effet de « tache d’huile »  en cas d’impact international différencié des langues concernées.

 

-     La séparation « physique » entre les communautés s’est faite à une époque où une « tache d’huile » générait une atmosphère tendue. Le compromis a été une frontière, dite linguistique, comprenant une partie « physique » (ligne sur carte) accompagnée de modalités dérogatoires (facilités, BHV, ect), les deux aspects formant un tout. Toucher à l’un veut dire toucher au « tout ».

 

-     La prétendue différence de culture est surtout la résultante de la pression, d’une part, d’une minorité nationaliste active au Nord et, d’autre part, d’une minorité de gauche assez dominante au Sud, chacun entrainant sa communauté. La partie « centrale », entre ces pôles, représente sans doute 75% de la population belge toutes communautés confondues. Le blocage actuel est la conséquence de l’amplification de la polarisation résultant de plusieurs récentes élections. Il ne semble pas que l’opinion générale soit pour un divorce entre communautés si une solution intéressante est trouvée.

 

-     La question de Bruxelles est considérée comme insoluble. Cette ville connaît un développement démographique fort. Les communautés traditionnelles, qui sont la base des conventions de gestion et des équilibres actuels à Bruxelles, deviennent minorisées. Un modèle « région Bruxelloise autonome » est, dans ce contexte, peu représentatif du modèle national.

Par ailleurs, la Belgique possède de grands atouts : sa situation géographique, sa multiculturalité, le caractère belge de souplesse et de  modestie, sa taille neutre et tous les autres atouts bien connus. Une analyse SWOT en donnerait les détails.

Un atout énorme est l’accueil d’institutions internationales donnant à Bruxelles, bien plus qu’à la Belgique, la Flandre ou la Wallonie, un renom mondial. Le monde veut « acheter » Bruxelles, pas les autres produits que l’on s’efforce de leur vendre de manière dispersée.

Ces points indiquent dans quels domaines le pays possède des atouts forts en Europe et dans le monde. Ainsi se définissent les objets prioritaires de ses ambitions économiques sans, bien sûr, éclipser les autres secteurs où il produit actuellement de la valeur ajoutée. On peut penser aux PME disséminées, à la logistique, à la recherche et aux centres de groupes internationaux.

Ces éléments économiques, la dimension internationale et le contexte belge propre amènent à imaginer un modèle alternatif.

Celui-ci part de l’affirmation, souvent entendue, que « la Belgique va s’évaporer », suscitant des réactions diverses. Cette phrase peut être « positivée » en acceptant le pari européen et avec le complément « …en même temps que les autres pays européens se fondant dans une Union Européenne ». Cette perspective est plus acceptable et, même si irréaliste, guide la réflexion subséquente car, si le pari européen est perdu, le modèle mis ainsi en place reste toutefois valable.

Le modèle peut paraître utopique et tranchant. Mais il permet d’essayer de sortir de l’impasse actuelle et vise à transformer une nostalgie unitariste ou nationaliste en une perspective. Il  est un guide pour une réflexion détaillée.

On fusionnerait le « fédéral » et Bruxelles en instaurant une démocratie locale à Bruxelles reconfigurée, les pouvoirs intermédiaires étant exercés par le « fédéral ». Le financement de Bruxelles serait assuré à ce niveau.

On établirait, pour une raison de civilité et de logique vue de l’« extérieur », un lien géographique entre Bruxelles, la Flandre et la Wallonie.

On constituerait une circonscription nationale.

.On scinderait BHV. Les deux Brabant deviendraient bilingues mais bien en ajoutant l’anglais à la langue de la Région. Les facilités en français pourraient disparaître si nécessaire, à ces conditions, l’anglais prenant la place. Bruxelles deviendrait progressivement trilingue ajoutant l’anglais comme langue officielle internationale.

L’enseignement des langues deviendrait un objectif fort, presque contraignant, dans tout le pays accompagné de mesures pour ceux qui auraient moins d’opportunité en cette matière. Un système d’évaluation, neutre et facile d’usage, permettrait à chacun de mesurer sa compétence et ses progrès linguistiques et de définir des critères d’emploi de langues (cfr. les examens actuels d’anglais pour étrangers).

Une régionalisation poussée, même parfois « copernicienne », pourrait être mise en place pour une série de compétences sur base de trois critères : la subsidiarité, la comparaison avec des modèles efficaces à l’étranger, mais surtout une prospective sur ce qui pourrait être mis dans les compétences de l’Union Européenne au cas où le pari européen serait gagné. Ces compétences présumées seraient « parquées » en « Belgique » entretemps, le reste régionalisé comme il le sera, en présomption, dans les autres pays/régions. Cette « antichambre » comprend, dès lors, aussi Bruxelles, comme capitale présumée. Si le pari européen est perdu ou prend du temps, il y a statu quo quant au nouveau modèle belge mis en place.

L’instrument « référendum » pourrait être utilisé à condition qu’il soit basé sur une seule démocratie, donc sur base d’un dépouillement secret et unique pout tout le pays (une grande urne nationale).

La volonté est de devenir une ville/Etat se développant comme « porte de continent » telles que le sont Singapore, Hong Kong, Shanghai etc. La position géographique permet cette ambition si elle est accompagnée de mesures cohérentes, dont quelques exemples ci après.

On a vu pour la langue. On peut envisager une fusion de nos trois ports maritimes (flamands) en une grande porte commune sans sous-intérêts locaux. On peut penser à une nouvelle plate forme aérienne internationale (wallonne) prenant, à terme, dans une région ouverte comme Beauvechain,  le relai de l’aéroport actuel de dimension régionale.

On peut penser à une dynamisation du transport taxi à Bruxelles avec une logistique pratique, abondante, bon marché axée sur un accueil digne d’une métropole internationale.

On peut ainsi passer en revue l’ensemble des activités et services en fonction de 3 dimensions : la vocation internationale du pays en « front office », une régionalisation poussée du « back office » et une anticipation réfléchie du modèle théorique européen. Cette anticipation est digne d’un pays considéré par son histoire et l’action de ses éminents représentants comme un pionnier européen.

Un tel schéma permet de ne pas voir qui est gagnant ou perdant mais d’espérer que tous seront gagnants car il s’inscrit dans une perspective d’avenir cosmopolite et multiculturel. Cette ébauche est imaginée un soir quand tous se disent : « et nunc, quo vadis ? » pour s’inscrire dans la latinisation à la mode.

Et, pour finir, la proposition la plus audacieuse permet de transformer le « problème » bruxellois en opportunité. Il vaut mieux vendre un produit que tous connaissent. Pourquoi donc ne pas appeler notre pays remodelé « Brussels, Brussel, Bruxelles ». Quand des entités fusionnent on change le nom pour calmer les émotions et lancer une nouvelle dynamique. Pourquoi donc ne pas surmonter les attaches nationalistes ou nostalgiques et relancer la dynamique sous un nouveau logo? La cote serait « Brussels Beach », le port «  Brussels Harbour » et les Ardennes « Brussels Forest » ! Un peu bizarre, non ? Mais les Pays-Bas s’appellent bien dans le monde: « Holland » !

 

 

 


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